Localisation et description
Ce dolmen se trouvait à l'origine au quartier de l'Apparat, 500 m au sud de l'église de Saint-Vallier et à 150 m à l'est de la chapelle Saint-Pons. Il fut fouillé par Casimir Bottin dans les années 1880. Le monument a été détruit par des travaux en 1970.
dolmen de l...
Selon Bottin, La sépulture se trouvait "au centre d'un grand amas de pierrailles de 15 mètres de long sur 10 de large environ, formant tumulus. De cette sépulture il ne reste sur place qu'une grande dalle de 2,12 m de long sur 0,70 m de haut, occupant presque toute la longueur du tombeau, et une deuxième moins importante, placée du côté de l'ouest et qui devait occuper le sud de l'entrée. Celle qui devait occuper le côté du couchant avait disparu. Les parties sud et couchant de la sépulture étaient complétés par de petites pierres disposées en muraille." Le sol de la chambre était complété par de petites dalles "variant de 20 cm à 30 cm envron". Bottin n'avait pas découvert le couloir.Le matériel archéologiqueLes restes humains
Le préhistorien se rend compte que la sépulture est d'un intérêt considérable. Il y recueille plus de mille dents. Les ossements en nombre considérable correspondent à 40 ou 45 individus d'après ses estimations. La plupart des restes crâniens et des mandibules étaient enterrés près de la dalle de chevet, avec de nombreuses petites perles et des flèches. Pour Bottin : " la quantité d'ossements que contenait cette sépulture me porterait à croire que nous nous trouvons en présence d'une tombe destinée à recevoir les morts de toute une tribu ou appartenant à une même famille."
Les industries lithiques
Une grande lame appointie de 22cm de long, un fragment de poignard à retouches bifaciales, onze armatures de flèches : trois foliacées à retouche bifaciales couvrantes, deux à retouches couvrantes sur la face supérieure, envahissante sur la face inférieure, une pointe foliacée lancéolée à retouche marginale sur les deux faces, une pointe sublosangique allongée portant des retouches plates à l'extrémité distale, et des encoches à retouche abrupte formant un pédoncule épais, à l'extrémité proximale, une pointe foliacée à amorce de pédoncule, trois pointes pistilliformes à retouches bifaciales couvrantes ; quelques lames et lamelles ; des éclats.
La céramique
Représentée par "quelques tessons correspondant à plusieurs vases", dont un tesson décoré, probablement campaniforme.
La parure
Particulièrement abondante, elle comprend :
- 3035 perles discoïdes minuscules, en roche verte, le plus souvent minces, quelquefois épaisses
- 8 perles discoïdes calcaires
- une perle cylindrique épaisse en test de mollusque
- 9 perles en tonnelet (5 en calcaire, 4 en roche verte)
- une perle à renflement médian en roche verte (doc. 2, n°1)
- une perle en tonnelet à gorges, en os (doc. 2, n°6)
- 7 tubes en os subsegmentés (ils devaient être plus nombreux à l'origine)
- 2 pendeloques à ailettes en calcaire (doc. 2, n°2)
- 2 pendeloques allongées en test
- une pendeloque courbe très étroite (en canine de suidés ?)
- 7 pendeloques à pointe, dont 6 en os (doc. 2, n°5), très petite, une gorge sépare la partie perforée de la parti inférieure, arrondie, la septième est en roche verte, sa partie inférieure est pointue (doc. 2, n°4)
- la partie inférieure d'une pendeloque à pointe en os à fines stries circulaires (doc. 2, n°10)
- 3 craches de cerf perforées (doc. 2, n°3)
- 30 canines de carnassier percées à la racine, la base de la racine a été parfois amincie, une d'entre elles est brûlée
- 2 incisives de carnassier perforées
- 3 fragments de défense de sanglier
Ce mobilier est complété par des objets en bronze ou cuivre :
- une alène "ronde-carrée" (doc. 2, n°7)
- une alène bipointe de section carrée
- 2 petits anneaux circulaires, de section plan, convexe
- un fragment de feuille en métal enroulée sur elle-même (doc. 2, n°9)
- un anneau de section ovalaire
- 8 clous ou boutons d'applique, à tête hémisphérique, portant une petite tige (doc. 2, n°8), des pièces semblables sont connues en Alsace, au bronze moyen II-III, comme éléments de ceinture, et datés dans d'autres sites du bronze final (Gassin 1986)
(doc 2 : le matériel archéologique)
Évoquant le dolmen de l'Apparat, Bottin dit que "cette sépulture peut-être classée au nombre des plus importantes de mes découvertes préhistoriques". Parlant de la parure il précise : "la moitié environ de ces perles sont généralement très petites et je dirai même microscopiques, et ce n'est par le lavage de tous les terreaux que j'ai pu les découvrir". Bottin ayant procédé à une "reconstitution" des colliers pour présenter à ses confrères de l'époque nous dit : "je me dispense de faire ici le tableau ou la description du travail de patience qu'elles ont demandé pour en arriver à un si bon résultat". Et de conclure :"contrairement à ce qui se passe généralement de nos jours, ce peuple avait un culte profond pour ses morts et tout devait s'éterniser avec eux".
Rendons ici hommage à ces pionners de la préhistoire locale que sont notamment Adrien Guébhard, Casimir Bottin et ceux qui leur ont emboîté le pas. L'archéologie préhistorique, à la fin du XIX ème siecle, est à l'état embryonnaire. L'oeuvre de Darwin "L'origine des espèces" est toute récente ainsi que l'acceptation d'une idée de la terre très ancienne par la communauté scientifique. Les observations de ces préhistoriens précurseurs sont souvent pertinentes alors qu'ils ne disposent d'aucun appareil technologique permettant une analyse des vestiges. Ce sont les premiers à esquisser une méthodologie de fouille en mettant en évidence une stratigraphie sur certains mégalithes (dolmen des Puades, Bourguignat).
Bibliographie
BOTTIN Casimir, tombe mégalithique N°4, Ann. Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes-Maritimes, T.X, 1885
BOTTIN Casimir, Notes manuscrites, registre 21, p. 5, Bibliorhèque du Musée de Grasse
CASTANIER Paul, Histoire de la Provence dans l'antiquité, t. I, La Provence Préhistorique et protohistorique, Paris-Marseille, 1893
GOBY Paul, Coup d'oeil d'ensemble sur le préhistorique de l'arrondissement de Grasse, 2ème CPF, Vannes, 1906
COTTE V. , Documents sur la préhistoire de la Provence, Aix, t. IV, 1924
GOBY Paul, Les dolmens de Provence, XI congrès Rhodania Cannes Grasse, 1929
CHENEVEAU René, Liste des mégalithes, pseudo-mégalithes et tumulus des Alpes-Maritimes, Mém IPAAM, t. XI, p. 93, 1968
GAGNIERES Sylvain, Informations archéologiques, Gallia Préhist., t. XV, 1972
Sauzade Gérard, Le dolmen de Peicervier à Lorgues (Var) et les poignards à soie courte en silex poli du Midi de la France, Bull. du Museum d'Histoire Naturelle de Marseille, T. XXXXV, p. 248, 1975
COURTIN Jean, Le Néolithique de la Provence, Mém. SPF, T. XI, 1974
GASSIN Bernard, Atlas Préhistorique du Midi Méditerranéen, feuille de Cannes, 1986