Faisait partie du diocèse de Senez et de la viguerie de Colmars, aujourd’hui dans le canton de Colmars. Cette grande commune de 9772 hectares est située au nord de Saint-André-les-Alpes et au sud de Colmars. Arrosé par l’Issole, le territoire, à l’altitude moyenne de 1100 mètres, offre une plaine fertile, vaste et bien cultivée (Achard II, p. 496). On a vu plus haut que c’est dans son territoire que G. Barruol place l’éphémère évêché reconnu au milieu du Ve siècle. La commune va être divisée en trois paroisses qui vont elles-mêmes abriter des chapelles succursales. Le castrum de Thorame, Thoramina inferior, est cité par Bouche au début du XIIIe siècle. Maix il existe encore deux autres entités : le castrum de podio acuto et la bastida filiorum Iaufferdi Balbi, aujourd’hui la Bâtie (p. 279).
Paroisse de Thorame-Basse
L’église paroissiale de Thorame est citée vers 1300 et en 1376 : ecclesia Thoramine Inferioris (Pouillés, p. 289-292). Elle est sous le titre de Saint-Pierre-ès-Liens et R. Collier la date de la fin du XVIe siècle (p. 209). L’abbé Féraud indique le millésime de 1588 et rapporte que les Protestants firent le siège du clocher fortifié de l’église où les habitants s’étaient réfugiés en avril 1586 et qu’ils finirent par y mettre le feu, en tuant un bon nombre de personnes, les autres ayant capitulé (p. 286).
513. Chapelle Saint-Pierre au Moustier et l’ancienne chapelle Saint-Pierre au Chastel
Le Moustier est un hameau situé à l’est du village. L’abbé Féraud rapporte qu’il y avait autrefois au hameau du Moutier, un monastère des Templiers bâti sur une hauteur, où naît une source abondante et où l’on trouve les vestiges d’une chapelle sous l’invocation de saint Pierre (p. 286). Si la référence aux Templiers paraît aléatoire, la chapelle Saint-Pierre existait bien, elle figure en état sur la carte de Cassini n° 153. Elle apparaît encore sur le plan cadastral de 1827 en section B 2, parcelle 573, de forme rectangulaire, orientée à 80° et appelée chapelle St Pierre. Aujourd’hui, il ne subsiste que le toponyme St-Pierre. Il semble bien qu’il y ait eu transfert d’un site perché, alt. 1274 m, à un nouvel établissement dans la vallée 150 mètres plus bas, avec création d’un édifice reprenant la même titulature. Le vocable Moustier ou Moutier évoque un monastère ou au moins un bien lui appartenant. D’autre part, l’église du castrum est elle aussi sous le titre de saint Pierre.
On constate ainsi la présence, dans un périmètre restreint, de trois édifices portant la même titulature. Il semblerait qu’il y ait eu deux transferts de paroisse. L’originelle serait à placer au Moustier, site ouvert, dans la plaine, dont la fondation pourrait remonter au haut Moyen Age, sinon avant. Il ne faut pas oublier en effet que la christianisation de la vallée est attestée au Ve siècle. Lors de l’enchâtellement, aux XIe-XIIe siècles, l’habitat serait monté sur un mamelon fortifié dominant la vallée appelé Chastel avec création d’une église qui reprend le même titulaire. Puis, il y aurait eu déperchement au cours des XIVe-XVe siècles avec redescente dans la vallée et création du village de Thorame avec une nouvelle paroisse, toujours avec le même titulaire, saint Pierre. Au XIXe siècle la chapelle du Moustier fait partie des chapelles rurales régulièrement citées. En 1858, elle est très propre et en 1865 la chapelle St-Pierre, toiture et voûte passables, pas de clocher ni de campanile (2 V 87). Toujours en état, elle est située un peu à l’écart du hameau, au nord.
514. Notre-Dame de Piégut. Ermitage et pèlerinage
Le site de Piégut est concrétisé par une colline à l’altitude de 1287 mètres sur laquelle se dresse la ruine d’une tour quadrangulaire avec un appareil à bossages avec voûte sur croisée d’ogive, XIVe siècle (Collier, p. 311). Au début du XIIIe siècle, Piégut est qualifié de castrum de podio acuto et constitue une entité indépendante du castrum de Thorame. Il est encore cité en 1237, castrum de Podio Acuto, castrum qui doit fournir pour la cavalcade un cavalier avec son cheval armé (RACP, n° 277, p. 365). Mais les Pouillés n’y recensent pas d’église paroissiale, ce qui est surprenant. Pourtant sur les flancs de la colline se dresse une chapelle dédiée à Notre-Dame que les auteurs font dépendre de l’abbaye de Saint-Victor (Atlas, carte n° 75). D’autres auteurs placent le prieuré de Saint-Victor à Notre-Dame du Serret sur Thorame-Haute (Achard p. 496, Abbayes et Prieurés, p. 196). Cette chapelle esr qualifié par Achard d’hermitage fort joli et l’abbé Féraud rapporte que l’ermitage de Notre Dame de Piégut, placé sur un mamelon, avait autrefois une grande célébrité. On y accourait de toutes parts le jour de la fête nommée le Pardon de sainte Anne. L’ermitage n’existe plus, mais l’église n’a essuyé qu’une faible dégradation (p. 287). En 1858, c’est une chapelle rurale dédiée à Notre-Dame de Piégut et située sur une élévation à quelque distance du village qui est bien propre. Et en 1865 la chapelle Notre-Dame de Piégut, toiture et voûte en bon état avec un campanile et une cloche. En 1884, on rapporte qu’on y a fait des réparations.
Le site de Piégut pose question car beaucoup d’interrogations subsistent. C’est d’abord l’implantation de la civitas d’Etoramina à Piégut proposée par G. Barruol. Aucun indice matériel ne vient corroborer cette assertion et nous verrons plus loin si on ne peut la placer à Thorame-Haute. Piégut est un site perché qui ne correspond pas à la période du milieu du Ve siècle où l’habitat est encore situé en plaine. Ensuite, le castrum cité au XIIIe siècle semble avoir eu une courte vie, il est nommé d’ailleurs par Bouche sans indication de feux et constituait seulement une tour de défense. C’est ainsi que la qualifie R. Collier, comme faisant partie d’un système de défense de la haute vallée du Verdon (p. 311). Enfin l’attribution de Notre-Dame de Piégut à Saint-Victor est également douteuse.
Paroisse de Château-Garnier
Cette paroisse, relate l’abbé Féraud, occupe toute la partie occidentale de la vallée de Thorame-Basse, elle se compose du village de Château-Garnier, du hameau la Bâtie et d’une population de 339 âmes (p. 287). Outre l’église paroissiale, sont recensés deux chapelles rurales, une à la Bâtie et l’autre sous le titre de saint Thomas.
515. Chapelle Saint-Mathieu, puis Notre-Dame à Château-Garnier
Ce n’est qu’au XIXe siècle que Château-Garnier est élevé au rang de paroisse. Quand l’évêque de Senez vient en visite le 6 juin 1697, il découvre la chapelle St Mathieu du hameau de Chateau Garnier dépendant dud Thorame Basse avec un tableau représentant st Mathieu (2 G 17). Achard, à la fin du XVIIIe, en fait une succursale de Thorame-Basse et il y a un prêtre qui dessert les chapelles de la Bâtie et de Château-Garnier. La titulature à saint Matthieu va être remplacée par celle de la Nativité de Notre-Dame lors de la construction d’une nouvelle église à l’emplacement de la première en 1859. C’est ce que rapporte R. Collier : l’église de Château-Garnier, fut construite en 1859 et son clocher date de 1870-1872 ; les raisons invoquées étaient l’éloignement, et, en hiver, la presque inacessibilité de l’église Saint-Thomas, au cimetière (p. 382). Elle est toujours en état.
516. Chapelle Sainte-Agathe de La Bâtie
Au début du XIIIe siècle, c’est une « bastide », la bastida filiorum Iaufferdi Balbi, mais elle est, comme Piégut, sans recensement de feux. Contrairement au Sud-Ouest où la bastide est une petite ville, en Provence c’est une maison forte, petit château avec tour, positionné près d’un endroit de passage ou de production artisanale. Cette bastide est dite des fils de Jauffredi Balbi, sans doute le créateur de l’édifice. R. Collier date la chapelle du XIXe siècle : la chapelle, ou église, Sainte-Agathe à la Bâtie date de 1861. Sa nef s’étend sur deux travées voûtées d’arêtes, dont les doubleaux plats ont des pilastres à dosseret, avec impostes à méplat et grande doucine. Le chœur, à chevet plat, est formé par une travée semblable à celle de la nef (p. 386). Mais il s’agit d’une reconstruction car l’évêque de Senez s’y rend le même jour que celui où il va à Château-Garnier, le 6 juin 1697 : Visite de la chapelle de la Bastide, hameau dud Thorame Basse, moitié voutée, moitié boisée, avec un encoule (contrefort) au dehors et au tiers de la batisse qui menasse ruine. Un tableau de l’autel assez vieux représentant st jacques, st Christophe et ste Agathe. Elle est régulièrement citée comme chapelle rurale au XIXe siècle et tient toujours son rôle de chapelle.
517. Chapelle Saint-Thomas
Cette chapelle est située en plein désert, loin de tout, entre Château-Garnier et la Bâtie. Elle est accompagnée du cimetière. Quand l’évêque de Senez vient la visiter en 1697, il la qualifie de chapelle succursale dudit Thorame Basse, elle est toute propre. Curieusement Achard n’en parle pas, mais il n’a pas été très prolixe sur l’histoire de la commune. La carte de Cassini en fait une église succursale et le cadastre napoléonien de 1827 la signale en forme de croix latine (section D 1, parcelle 614). Le fait que l’édifice soit accompagné du cimetière indique une paroisse et son architecture, l’abside principalement, relève du XIIe-XIIIe siècle. Elle a été restaurée en 1905 mais tout en conservant l’abside primitive voûtée en cul-de-four, avec la forte moulure d’un méplat profilé d’un quart-de-rond, et décoré d’une fresque du XVIe siècle - abside qui a heureusement été conservée lorsqu’on on a construit une autre chapelle, en arrière (Collier, p. 148). L’abside et les fresques sont classés MH.
518. Eglise/Chapelle de la Transfiguration à La Vallette
La Valette est un hameau situé au nord de la commune en remontant l’Issole et perché à plus de 1300 mètres d’altitude. Mgr Soanen en visitant l’église en 1697 la qualifie de chapelle mais reconnaît qu’il existe un cimetière. Achard et Cassini en font une église succursale de Thorame et il y a un prêtre résident pour assurer le service religieux. L’église est sous le titre de la Transfiguration ou du Saint-Sauveur. La fête a lieu le 6 août et, rapporte l’abbé Féraud, on fait, le 20 janvier, une procession en mémoire de la délivrance du fléau de la peste (p. 287).
Synthèse
Thorame-Basse révèle une densité de paroisses et de chapelles, aussi bien à la fin du Moyen Age qu’à la période moderne. Ce phénomène n’est pas seulement dû à un milieu montagneux, mais à une « tradition » où le christianisme s’est développé très tôt et durablement dans chaque lieu habité. Les hameaux pourvus d’un lieu de culte sont très proches les uns des autres, concentrés au sud de la commune, espacés d’un kilomètre de distance en moyenne. Seul, celui de La Vallette correspond à une succursale créée à cause de l’éloignement.