Faisait partie de la viguerie de Castellane, siège d’un évêché, aujourd’hui chef-lieu de canton. La commune est très étendue, plus de 7000 hectares, car elle a englobé d’abord au XVe siècle la communauté de Boades, puis en 1973 la commune du Poil (2708 hectares). Cette dernière n’est pas limitrophe avec la commune de Senez et forme une enclave à l’ouest entre les communes de Majastres et de Beynes. Malgré son étendue, la commune actuelle de Senez ne contient que 176 habitants en 2006. Nous ne retracerons pas l’historique de la cité de Senez, nous nous occuperons uniquement des chapelles rurales.

BOADES

C’est aujourd’hui un lieu-dit situé au sud-est de Senez dominant la rive droite de l’Asse à 1000 mètres d’altitude. Ce fut une communauté à part entière jusqu’au XVe siècle. Le castrum de Bogada est cité au début du XIIIe siècle (Bouche I, p. 274). Quant à l’église paroissiale de Debosadam elle est desservie par le prieur C. Ferrerius et la collation de ladite église appartient à l’église de Senez. Dominus Bt. Guillelmus et dominus Chambairianus sont les seigneurs dudit castrum. (Enquêtes 1278, p. 437, n° 873). Elle est encore citée en 1300 et 1376, ecclesia de Boyssata et ecclesia de Bosata (Pouillés, p. 290 et 293). La population en 1315 comprend 17 foyers, soit 85 habitants, mais la peste et les bandes armées vont l’anéantir ce qui amènera le rattachement à Senez à la fin du XVe siècle. Achard en dit quelques mots : Boades est une seigneurie composée de quatre bastides qui sont au pied de la montagne qui se nomme Alaup en provençal et Alpes en latin. Boades étoit un village qui fut détruit par les troupes de Raymond de Turenne (p. 359). L’église paroissiale va devenir une simple chapelle qui est encore signalée par la carte de Cassini n° 153, mais elle n’est pas mentionnée lors des visites pastorales de la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, il n’en reste rien et nous ne connaissons pas son titulaire.

LE POIL

Le rattachement à Senez eut lieu en 1973, la commune ne comprenant plus que 14 habitants en 1962. C’est sous l’appellation de Podium et de in Podio que le lieu apparaît en 1056. C’est à l’occasion de dons faits à l’abbaye de Saint-Victor par plusieurs personnages, le principal étant Rostaing fils de Rainard avec son épouse Adelais et ses fils Féraud, Guillaume et Pierre. Il donne à Saint-Victor les églises dédiées à la Vierge Marie, à saint Etienne protomartyr et à saint Jean, avec toutes les terres qui sont autour de ces églises. Puis plusieurs autres personnages donnent des terres et des près qui sont in Podio. Enfin d’autres donnent toute la dîme qu’ils perçoivent au nom du seigneur Rostaing et du seigneur évêque de Senez (CSV II, n° 764, p. 108-110). Le territoire paraît bien peuplé en ce milieu du XIe siècle, le cartulaire citant une dizaine de donateurs avec leur famille. L’habitat est peut-être encore sur l’éperon rocheux du Chastelas situé au sud du village et où ont été découvertes des traces d’occupation protohistorique et médiévale (CAG, p. 450-451). Mais la donation à Saint-Victor est de courte durée puisqu’il n’est plus fait mention pas la suite de l’abbaye au Poil.

Le castrum de Pire, cité au début du XIIe siècle par Bouche (I p. 275), comprenait 320 habitants en 1315, chiffre qui s’est maintenu jusqu’en 1852 (Atlas, p. 190). S’il faisait partie de la viguerie de Castellane il dépendait spirituellement de l’évêché de Riez. L’église paroissiale est citée en 1274 avec un prior de Piro et un capellanus de Piro, puis en 1351 comme ecclesia de Piro (Pouillés, p. 107, 109 et 112). Bartel nous fait connaître le titulaire, le Poir, oppidulum dont l’église et la cure sont sous le titre de saint Laurent (p. 59). Depuis l’abandon du village, les maisons sont tombées en ruine, l’église également 1. La titulature à saint Laurent peut remonter au début du XVIe siècle, saint évoqué comme protecteur des fléaux ayant remplacé Notre-Dame citée en 1056.

472. Chapelle Saint-Jean

Les visites pastorales de 1857, 1866 et 1870 indiquent qu’il n’existe pas de chapelle rurale sur la commune (2 V 91). Pourtant la carte de Cassini signale un édifice religieux au quartier St Jean au NO du village. Le quartier est encore cité sur les cartes actuelles avec une ferme ruinée au NE de Preynes. Mais plus de trace de la chapelle aujourd’hui. C’est elle qui est citée en 1056, ecclesia sancti Johannis avec les terres qui l’entourent et qui sont données à Saint-Victor.

473. Chapelle Saint-Maime

Elle aussi est citée par la carte de Cassini et le quartier existe encore aujourd’hui sous l’appellation St-Maime Ferme à 1031 mètres d’altitude. Le quartier se trouve au nord de la commune près d’un vieux chemin rejoignant la vallée de l’Asse au sud de Norante nommé Chemin de Barrême par le cadastre napoléonien de 1811. Maime est la forme provençale de Maxime et fait référence au saint évêque de Riez dont dépend la paroisse du Poil.

SENEZ

De 1857 à 1870 en passant par 1866, les visites pastorales recensent quatre chapelles rurales, qualifiées de passables sauf une qui est en bon état, celle du Clot. Les autres ne sont pas nommées. En 1879, il en est recensé deux : Saint-Pierre au Riou d’Ourgeas et Notre-Dame des Claux. En 1890, il en existe toujours deux mais qui demandent beaucoup de réparations (2 V 91 et 93). La carte de Cassini permet d’en repérer cinq : les chapelles de Lioux, du Riou d’Ourgeas, de Boades, de la Maurelière et de Notre-Dame des Claux. Celle de Boades a disparu au cours du XIXe siècle, celle de Lioux est en ruine, il ne subsiste que les trois autres.

Synthèse

Au Poil, trois églises sont données en 1056 par des laïcs aux moines de Saint-Victor. Il semble que l’on puisse les classer parmi les premières églises rurales ayant précédé la création du village fortifié. Elles peuvent être le reliquat d’églises de domaines créées à l’époque carolingienne. Le territoire a livré quelques sites indiquant une occupation pérenne depuis l’Antiquité et qui n’a pas échappé à la christianisation, en témoin le fragment d’épitaphe chrétienne trouvé dans le village (CAG, p. 451).


1 Lire absolument La vie de ceux d’avant, d’Albert COTTE, né au Poil en 1907 qui raconte la vie de ce village. N° 105-106 des Alpes de Lumière, 1990.

  • À propos de l'auteur : Daniel Thiéry