Faisait partie du diocèse d’Embrun et de la viguerie de Sisteron, aujourd’hui dans le canton de Turriers. La commune est sise dans le bassin de Turriers, le village aux abords du Riou Clair dont la rive gauche offre de belles étendues de terres cultivables. Elle était le siège de la villa Jugurnis au Moyen Age et même depuis le haut Moyen Age. En effet, lors de la restitution en 1045 de la villa aux moines de Saint-Victor, nous apprenons qu’ils en avaient été chassés par les Sarrasins, les païens : si effectivement le lieu même et les églises ont été possédés injustement par les moines de Brême pendant un temps assez long, c’est parce que les possessions marseillaises ont été abandonnées, leur monastère ayant été détruit autrefois par les païens (1). Réoccupée par les moines de Brême, ancienne Novalaise, un plaid et un jugement de Dieu leur restituent la villa et ses églises sous l’autorité du vicomte de Gap Pierre de Mison.
198. Le prieuré Sainte-Marie et l’église Saint-Pierre
L’église de Gigors est en 1045 sous la titulature de saint Pierre ou de saint Jean, confirmée par les papes Innocent II en 1113 et Pascal II en 1135 uniquement sous celle de saint Pierre (2). Le prieuré par contre est sous la protection de Marie (3). On retrouve le même cas à Rosans où la cella est sous le titre de saint André et l’église du village sous celui de saint Arey (4). L’église est située dans le village au lieu-dit la Clastre où ont été découverts, lors d’aménagements, des tombes sous tegulae et lauzes. L’édifice a subi de nombreux remaniements au cours des siècles, mais a gardé son orientation vers l’est. Il est maintenant dédié à saint Laurent, sans doute suite à la peste, comme beaucoup d’autres églises. Outre le chœur où s’élève le maître-autel, subsiste encore le bas-chœur délimité par une marche où se tenaient les moines du prieuré lors des offices paroissiaux.
Le prieuré n’a pas connu le même développement comme ceux de Rosans et de Ganagobie donnant naissance à un monastère florissant (5). Les démêlés avec les seigneurs locaux qui l’ont privé et dépouillé d’une grande partie de ses biens n’ont laissé aux moines que la perception de la dîme et la charge et les revenus de quatre paroisses, Gigors, Faucon-du-Caire, Bellaffaire et Turriers (6). Le prieuré était situé dans le village même de Gigors que nous avons pu localiser grâce à un cadastre du XVIIIe siècle. Il cite le prieuré comme confront au f° 47 pour la propriété de Jean Guibaud à feu Joseph : maison, grenier, écurie et régale, chemin entre deux, au village, confronte de levant maison de Jean Baptiste Ricard, du midi et septentrion les chemins et le prieuré, du couchant bâtiment et régale des hoirs de François Tornatory (7).
Synthèse
La fondation de la villa Jugurnis est le fait de Saint-Victor et date de la période carolingienne, du moins antérieurement à la période sarrasine. Quand elle est restituée aux moines en 1045 c’est avec ses églises et la paroisse, parrochia. On peut donc estimer raisonnablement que l’église Saint-Pierre et celle du prieuré dédiée à Sainte-Marie ont été fondées dès la création du prieuré et de la villa Jugurnis.
(1) CSV n°691, T II, p. 32-34. Siquidem eundemque locum vel ecclesias monachi Bremetensis coenobii aliquanto tempore injuste possederant ; utpote deficientibus possessoribus Massiliensibus, olim illorum monasterio a paganis destructo.
(2) CSV n° 691, 844 et 848. Ecclesie sancti Petri sive sancti Johannis, Ecclesie sancti Petri de Gigoriis.
(3) CSV n° 692, T II, p. 34 : cella sancte Marie de Jugornus (1062) et bulle du pape Grégoire VII de 1084 : cella sanctae Mariae de Gigoriis.
(4) Saint-André-de-Rosans, Actes du colloque de 1988. St. d’Etudes de HA, 1989, p. 29.
(5) Une seule fois le prieuré est dit monasterium (en 1183, CSV n° 991, p. 443).
(6) Voir les chartes du CSV n° 990, 992, 993 et 994 que nous ne pouvons développer ici.
(7) ADAHP E dépôt 093 / 1. C’est le seul cadastre antérieur à la Révolution. Il semble être du milieu du XVIIIe siècle