En 1973, les deux communes de Trévans et d’Estoublon sont fusionnées, la première dépendait de la viguerie de Moustiers, l’autre de la viguerie de Digne, toutes deux cependant dans le même diocèse de Riez.

TREVANS

Cette ancienne commune ne comprenait que 1175 hectares et n’a jamais été très peuplée, 90 habitants en 1315. Après avoir atteint 138 habitants en 1765, puis 118 en 1851, elle est tombée à 4 en 1962, d’où son rattachement à Estoublon (Atlas, p. 204). Trévans apparaît en 1157, territorium de Trevano, lors d’un jugement prononcé par le comte Raimond Bérenger II en faveur de l’abbé de Montmajour contre Guigue de Gaubert (GCN, I, Inst. col. 203). Un castrum se forme cité vers 1200 avec une église paroissiale desservie par un prieur en 1274, prior de Trevano. En 1351, l’église de Trevans, ecclesia de Trevanis, est desservie par le clergé séculier et dépend du diocèse de Riez (Pouillés, p. 106 et 111). Elle est sous la titulature de Notre-Dame et a comme patron saint Barthélemy. Aujourd’hui, la carte IGN signale le village et l’église comme ruinés.

180. Le monastère Saint-André-du-Désert

Il est mentionné par tous les auteurs depuis Bartel. Celui-ci nous apprend que Trévans était un pagus siège d’un très ancien monastère de l’ordre des Carmes sous le titre de Saint-André du Désert fondé en 1450. L’ancienne abbaye était sous le titre de Saint-André de Bosco. L’abbé Féraud en dit un peu plus : il y avait autrefois, dans ce lieu, un monastère de Religieux Carmes, sous le titre de Saint-André-du-Désert. Les Carmes en avaient pris possession en 1450 et était le second couvent des Carmes en France. On prétend qu’il avait été fondé par Jacques d’Apéricoul, seigneur de Gaubert. Le comte de Carcès le fit démolir en 1575, de peur que les Religionnaires ne s’en emparassent et ne s’y établissent comme dans un lieu fortifié. Les religieux se retirèrent, dès lors, dans le village d’Estoublon. Avant eux, cette maison de Saint-André était une abbaye sous le titre de Saint-André-de-Bosco, du Bois. L’église subsiste encore et l’on voit tout autour les ruines du monastère (p. 109) (1). C’est l’évêque de Riez, Jean Fassi (1450-1463), Général de l’ordre des Carmes, qui fonda dans son diocèse un établissement de religieux de son ordre à Saint-André-du-Désert dans le terroir de Trévans (GCN I, col. 618).

Les visites pastorales du XIXe siècle citent l’ancienne église du monastère comme une simple chapelle rurale, rappelant à la fois sa titulature à saint André et son ancienne appartenance à l’ordre des Carmes. Selon Féraud, l’ancienne église Saint-André attire chaque année un grand concours des pays voisins, la deuxième fête de Pentecôte. Elle est aujourd’hui en ruine. La CAG situe l’ancien monastère fondé au XIIIe siècle à l’entrée des Gorges de Trévans, au sommet d’un impressionnant piton rocheux. Dans les éboulis, ont été retrouvées des traces d’occupation protohistorique et gallo-romaine (CAG, n° 084, p. 193). La question qui subsiste est celle de savoir qui a fondé le premier monastère au XIIIe siècle et quel ordre religieux le desservait. Aucun des auteurs ne donne le moindre renseignement sur ce sujet et nos recherches sont restées également vaines. On peut conclure cependant que le site est perché loin de tout, favorable à la vie érémitique, d’où son appellation du Désert  et qu’il a attiré les hommes depuis l’Antiquité. Il a servi de lieu de refuge et de place force vu sa position stratégique, aussi bien durant l’Antiquité qu’à la période du Moyen Age jusqu’aux guerres de Religion.


ESTOUBLON

L’ancienne commune était deux fois plus étendue que celle de Trévans, 2209 hectares. Son territoire, arrosé par l’Asse et l’Estoublaisse, était également plus favorable à la colonisation humaine. Celle-ci se dévoile déjà durant l’Antiquité avec plusieurs sites remarquables, principalement dans les deux vallées et sur les terrasses les dominant. Une voie antique présumée sur la rive droite de l’Asse traverse le territoire, reliant Riez à Digne et l’on connaît Estoublon, villa Stublonem, dès le VIe siècle par Grégoire de Tours qui relate un combat victorieux du patrice Mummolus sur les envahisseurs saxons et lombards (2).

C’est en 1011 qu’Estoublon réapparaît avec la fondation d’un monastère dépendant de l’abbaye de Montmajour. Svigo et Heldebert accompagnés de leurs femmes font don à l’abbaye de l’église Saint-Pierre d’Estoublon ainsi que d’autres dédiées à la Vierge Marie, à saint Domnin et à saint Saturnin. Ils offrent en outre tout un lot de terres composées de champs, de vignes, d’oliviers, de vergers, etc., ainsi que des moulins. La donation est faite au seigneur abbé Archinric pour lui et ses successeurs. Sont donnés ensuite les confronts du territoire offert. C’est lors de cette donation que le lieu de Carluc est également donné à Montmajour (voir Céreste) (3). En 1096, l’évêque de Riez Augier confirme la possession et y ajoute les églises de Saint-Julien d’Estoublon et de Saint-Pierre de Calveti (?), le quart des dîmes de castro Rogone (Rougon) et quartam partem de castro sancti Georgii (GCN I, Inst. XI, col. 371-372). Au cours du XIe siècle, Rostang, fils de Rainard, fait don de la cinquième partie du lieu de Norante au diocèse de Senez (4). Il faut que le comte de Provence, Raimon Bérenger II intervienne en 1157 pour empêcher le seigneur Guigue de Gaubert de prélever les taxes sur les hommes de l’église d’Estoublon (GCN, I, Inst. col. 203). Il s’agit du même seigneur ou du moins de la même famille qui exerçait des vexations contre les habitants de Saint-Georges de Sargan en 1171 (voir Le Chaffaut). Mais ici c’est l’évêque de Digne qui intervient au nom du pape Alexandre III. Les moines d’Estoublon subsistèrent difficilement jusqu’au XIVe siècle, leur établissement se dégradant. Aussi, le monastère fut uni en en 1356 à la chambrerie de Saint-Victor.

Si Estoublon est cité dès le VIe siècle, puis au Xe siècle, il apparaît qu’il fut également habité durant la période carolingienne. Une stèle ou cippe carolingien a été trouvé vers 1870 dans le sous-sol de l’église paroissiale, sans doute une crypte maintenant comblée. La stèle, datée de 814, portait l’épitaphe d’une religieuse nommée Frodberta. Cette église était originellement dédiée à saint Pierre mais prit ensuite la titulature de Notre-Dame tout en gardant saint Pierre comme patron. Il ne subsiste de l’église romane que l’abside que l’on date de la seconde moitié du XIe siècle, le restant ayant été construit au cours des siècles suivants (5). Les visites pastorales du XIXe siècle ne signalent qu’une chapelle rurale, celle du hameau de Bellegarde, alors qu’il en existait d’autres. Un autre site d’origine carolingienne est celui de la villa nomine Abiacum faisant partie des biens de Fouquier père de Mayeul recensée en 909 (CLU I, n° 106, p. 119). Le quartier d’Aby est situé au NE du village sur la rive gauche de l’Asse.  

181. Chapelle Notre-Dame de Vie

Elle se trouvait dans la partie haute du village et était accompagnée d’un cimetière ; elle fut détruite en 1967. D’après les archéologues elle fut reconstruite au XVIe ou XVIIe siècle sur un édifice du XIe siècle. On y a trouvé un bas-relief de pierre représentant un chasseur et des animaux, une stèle anépigraphique et deux fragments de colonnes antiques, ces éléments pouvant se rapporter à un temple antique. Près du cimetière dit Cimetière vieux, s’étend une nécropole antique ou carolingienne avec des tombes sous tegulae (CAG p. 192-193). Le qualificatif Vie pourrait se rapporter à la voie antique qui passait à proximité. Située tout en haut du village, cette église pourrait être l’église paroissiale d’origine, tandis que celle de Saint-Pierre était l’église des moines. Au XIVe siècle, les moines partis, leur église est devenue paroissiale et la première a été abandonnée. C’est ce que pourrait suggérer le Pouillé de 1274 où sont mentionnés un prieur et un chapelain. Le site de la chapelle pourrait correspondre à l’ecclesia in honore Sancte Marie citée en 909 immédiatement après la villa Abiacum suivi de la villa Pauliniacum, aujourd’hui Polignac au NNO du village.  

182. Chapelle Saint-Jean

Elle est élevée sur la colline dite de St-Jean  située à 300 mètres à l’est du village, signalée ruinée par les cartes actuelles. Cette colline idéalement placée au confluent des deux rivières présente un petit plateau de 50 sur 1000 mètres qui a pu constituer un petit oppidum de type éperon barré. Des vieux murs, un reste peut-être de tour au centre, font penser à un réduit protohistorique. Près de la chapelle, ont été observés des fragments de tegulae. Le cadastre napoléonien de 1812 la figure dans la section B 2, parcelle 842, avec une abside en hémicycle orientée à 70°. Elle est aujourd’hui en ruine.

183. Chapelle Sainte-Anne

Elle figure comme celle de Saint-Jean sur la carte de Cassini, située entre le village et Saint-Jean. Elle est en ruine aujourd’hui et n’est pas signalée au XIXe siècle.


184. Chapelle Saint-Savournin

Elle aussi figure sur Cassini au hameau du même nom situé au SE du village. Actuellement il ne reste que des ruines. Il s’agit peut-être de l’église Saint-Saturnin nommée en 1011.

185. Chapelle Saint-Joseph à Bellegarde

C’est la seule qui est mentionnée lors des visites pastorales du XIXe siècle. Elle est qualifée de rurale et en bon état en 1860, 1866, 1872 et 1891. C’est en 1899 que l’on apprend qu’elle est sous la titulature de saint Joseph et qu’on dit seulement la messe le jour de la fête du saint. Elle apparaît en bon état sur les cartes actuelles.


Synthèse

Le territoire de la commune apparaît particulièrement riche en domaines carolingiens avec les villae d’Aby et de Polignac et également avec l’église Notre-Dame de Vie. Il est ensuite vitalisé par l’abbaye de Montmajour dès le début du XIe siècle.


(1) Lire également les deux pages consacrées à ce monastère par l’abbé Féraud, dans ses Souvenirs religieux, p. 152-153.

(2) Carte Archéologique, n° 084, p. 190. Alpes Romanes, p. 52-53. Féraud, p. 109.

(3) Le texte de la donation est fourni par Papon II, Preuves n° IV. Voir également La France pontificale, Riez, p. 318. Féraud, Souvenirs Religieux, p. 50-51.

(4) Chartes du XIe siècle, dans Catalogue des chartes antérieures au XIe siècle (687-1112), par A. Villard et E. Baratier, Arch. des B-d-R, Marseille, 1998, p. 51, n° 54. Se reporter à l’article Chaudon-Norante.*

(5) Alpes Romanes, p.  52-53. Collier, p. 138-139.

  • À propos de l'auteur : Daniel Thiéry