Faisait partie du diocèse de Gap et de la viguerie de Sisteron, aujourd’hui dans le canton de Volonne. Sur la rive gauche de la Durance, en face de Château-Arnoux sur la rive droite, L’Escale fut un port fluvial important durant l’Antiquité. Il était situé au Bourguet et avant que ne soit construit le lac artificiel de Château-Arnoux, les découvertes archéologiques ont été denses et variées (CAG, n° 079, p. 180-187). Ce port était idéalement placé à la jonction des voies terrestres provenant des Alpes-Maritimes et du delta du Rhône. Le site est abandonné, semble-t-il au début du Ve siècle, puis repris au début du premier millénaire. Mais il n’est pas assuré, par manque de documents, que l’activivté ait été compètement abandonnée entre temps.
L’Escale, Scala, apparaît en 1060 et dans les années suivantes, grâce à des dons faits à l’abbaye de Saint-Victor de Marseille par une puissante famille de Volonne qui possède de nombreux biens sur Volonne, L’Escale, Bezaudun, Dromon et Mirabeau.
CSV (II, 704, p. 50-52). En 1060, Pierre de Volonne, fils d’Isnard et de Dalmatia donne à Saint-Victor quelque chose de son héritage et son propre alleu, dans les deux castra de l’Escale et de Bezaudun (à Malijai) et dans tous leurs territoires, en suivant la Durance jusqu’à La Bléone et en remontant la Bléone jusqu’à l’église de Sainte-Marie au Roures (Sainte-Marie de Rorabelle de Bezaudun à Malijai), et d’autre part, en remontant le ruisseau appelé Virongus (Vignorgues) au Serre de Paliairols (1) (Paillerous), par la Fubie (ruines) et passe au milieu de Paliairols jusqu’au Puy Aigû (2).
CSV (II, 703, p. 49-50). En 1061, Pierre de Volonne, fils d’Isnard et de Dalmatia, donne, de son propre alleu, aux églises de sainte Marie et de sainte Concorce qui sont fondées dans le lieu dit Mandanmus, la partie du cimetière qui lui appartient, deux manses dans ledit territoire, avec le defens du bois appelé Aias. Nous donnons en plus un manse dans le territoire de Dromon lequel est tenu par Galbert et Stéphane son frère. Tout cela étant dans le comté de Gap et dans le territoire de Volonne.
CSV (II, n° 705, p. 52-53). En 1063, Bilisma, fille de Vuandalmoys, épouse de Pierre de Volonne, fait don, après sa mort, à Saint-Victor de sa dot qui est dans les territoires de l’Escale et de Bezaudun.
CSV (II, n° 870, p. 260-261). En 1180, il y a controverse entre les moines de Saint-Victor et les chanoines de Chardavon au sujet des églises de Saint-Martin de Cornillon, de Bezaudun et de l’Escale. L’archevêque d’Aix, Henri, en présence du seigneur Pierre, évêque d’Apt et du seigneur Bermond de Sisteron, du seigneur Grégoire évêque de Gap, décide d’attribuer l’église de l’Escale avec sa paroisse, tant du bourg que du castrum, aux moines de Saint-Victor. Pour ce qui est des églises de Bezaudun avec sa paroisse et de Saint-Martin de Cornillon (Saint-Martin à Volonne), elles sont attribuées aux chanoines. Acte passé à Sisteron.
Ces textes nous font découvrir le castrum de Scala, deux églises sous le titre de Sainte-Marie et de Sainte-Consorce situées à Mandanmus ou Mandanuis et deux agglomérations, celle du bourg et celle du castrum. Il y a donc, en ce XIe siècle deux communautés, l’une dans un castrum, l’autre à Mandanuis. Elles seront indépendantes jusqu’à la fin du XIVe siècle pour n’en faire plus qu’une au XVe siècle.
172. Le castrum et l’église Saint-Michel
Le castrum était situé sur une colline dite Vière et également Ville Vieille à 1500 mètres à l’ouest du village actuel de l’Escale, quelques 150 mètres en altitude plus haut. Il est déjà cité au XIe siècle. Il est probable qu’il réinvestit un lieu d’observation et de défense construit à l’époque romaine. On y découvre en effet des débris de tuiles romaines et de dolia ainsi que des restes de murs typiques de cette époque. Le village n’était pas au sommet de la colline où s’élevait une tour de défense dont il reste quelques débris, mais un peu en contrebas sur une terrasse aménagée dans la pente. Le castrum est ensuite cité en 1232 et 1236, castrum de scala (RACP, n° 163, p 263 et n° 262, p. 347). En 1315, l’Escale comprend 67 feux, soit près de 340 habitants, ce qui est relativement important par rapport à Mandanois qui ne compte que 29 feux. Entre la tour et le village, subsistent aujourd’hui les ruines d’une chapelle dédiée à saint Michel. Mais il est difficile d’y reconnaître une église paroissiale vu son exiguité et sa petitesse, incapable d’accueillir la population importante du XIVe siècle. L’Abbé Maurel pense que ce qui subsiste de l’édifice est seulement l’ancien chœur de l’église (p. 176-177). Le cimetière de la communauté villageoise la jouxte. L’église est mentionnée en 1135 lors de la confirmation par le pape Innocent II des possessions de Saint-Victor, ecclesia parrochialis de Scala en même temps que la cella sancte Marie de Mandanvis (CSV II, n° 844, p. 227). Elle resta paroissiale jusqu’au milieu du XVIIe siècle et devint ensuite une simple chapelle. A l’époque de l’abbé Maurel, Ville Vieille était déjà abandonnée et la chapelle sans service religieux. Aujourd’hui, il n’en subsiste que le mur de chevet et les murs latéraux.
173. La chapelle Sainte-Consorce
On a vu plus haut qu’elle est citée dès 1061 en même temps que l’église de Mandanois et dotée par Pierre de Volonne de terres et de manses. Une tradition tenace veut que sainte Consorce soit la fille de saint Eucher et de sainte Galle, également sœur de sainte Tulle qui vivaient au Ve siècle. Après la mort de ses parents, elle vint s’installer dans un de ses domaines dénommé Mocton ou Mathon vicus qui pourrait être situé à l’Escale et plus précisement à Mandanois. Elle y fonde un hospice pour les voyageurs ainsi qu’une église dédiée à saint Etienne. A sa mort, on ensevelit sa dépouille dans la chapelle qui prend désormais son nom (3). On a cherché en vain les reliques de la sainte. En 1761 l’évêque de Gap se rend à la chapelle des pénitents qui est au milieu du cimetière et où la tradition porte qu’est le corps de Sainte-Consorce, ce qui engagea à fouiller dans la terre pour le chercher (4). La recherche fut infructueuse, mais la tradition fut conservée, comme en 1899 lors de l’enquête sur les lieux de culte : au hameau de l’Hôte, chapelle de Ste Consorce, avec messe quatre ou cinq fois par an ; existait dès le XIe siècle sur l’emplacement d’un hôpital bâti par la fille de St Eucher. Elle était située à quelques mètres au sud de l’église paroissiale de l’Escale, au hameau de l’Hôte où elle est bien visible sur le cadastre napoléonien (section B 2, parcelle 215), séparée de l’église par le cimetière. Elle est figurée avec une abside en hémicycle orientée vers l’est. Elle a été complètement détruite en 1962.
174. La chapelle de la Vierge au hameau des Cléments
Aujourd’hui ce hameau ne fait plus qu’un avec celui de l’Hôte pour former le village de l’Escale. L’abbé Maurel nous apprend que la chapelle a été fondée et livrée au culte en 1870 après une souscription publique sur un terrain donné par M. Amayenc (p. 9 et 177). C’est ce que confirme plus ou moins précisément l’inventaire de 1906 : chapelle de l’Immaculée Conception au hameau des Cléments appartenant à la Fabrique, donnée par Mme Féraud veuve Amayon. 100 m², meublée. Elle a été restaurée ces dernières années et accueille un atelier-exposition de peinture.
175. Chapelle Sainte Anne au hameau de Coulayès
Cette chapelle, dont l’abbé Maurel reconnaît n’avoir rien trouvé la concernant dans les archives est citée à partir de 1858. Lors de l’enquête sur les lieux de culte de 1899, il est dit qu’on y fait une procession une ou deux fois par an. L’inventaire de 1906 lui donne une contenance de 40 m² et reconnaît qu’elle est abandonnée. Elle figure sur le cadastre de 1810, section B 3, parcelle 1273. Aujourd’hui, elle vient d’être restaurée.
Il reste deux chapelles signalées par l’abbé Maurel, Saint-Martin de Cornillon et Saint-Pierre de Bézaudun. Pour la première, les auteurs modernes la situent à Volonne et pour la seconde nous situons le castrum de Bézaudun à Malijai, en rive droite de la Bléone (voir ces deux communes).
Synthèse
Le port fluvial de l’Escale, romain d’abord, puis repris par la suite, a favorisé l’implantation du christianisme, sans doute très tôt, comme en témoigne la tradition concernant sainte Consorce. Sa chapelle et celle de Sainte-Marie sont confirmées en 1061, signe de leur existence antérieure. Il est regrettable que la chapelle Sainte-Consorce ait été détruite il y a peu de temps.
(1) Le CSV de Guérard place ce quartier aux Mées, alors qu’il s’agit d’un quartier de Volonne.
(2) Ce texte a été diversement interprété pour la localisation des lieux-dits. Esmieu, en 1803, dans son Histoire des Mées place Bezaudun sur la rive gauche de la Bléone et descend jusqu’au Paillerols des Mées. Cette version est reprise par De Laplane et Guérard. Nous pensons avec l’abbé Maurel dans son Histoire de l’Escale, en 1893, p. 34 à 44, que tout le domaine donné à Saint-Victor s’étend sur la rive droite où l’on retrouve tous les lieux-dits cités par le texte. Sur Bézaudun, voir le chapitre sur Malijai.
(3) Sur la vie de sainte Consorce, F. Trouche, Ephémérides des saints de Provence, M. Petit, 1992, p. 68-70. Egalement Féraud, p. 476. Collier, p. 409, qui reconnaît une sorte de crypte paléochrétienne qui devait exister dans la chapelle Sainte-Consorce. De même Carte Archéologique, p. 181.
(4) Cité par Maurel, p. 178-179.