Aujourd’hui chef-lieu de canton, cette vaste commune de 6037 hectares est située aux confins sud du département. Elle est arrosée par le fleuve Var et le torrent le Coulomp qui offrent en certains endroits des rives élargies propices aux cultures. Après avoir été le siège d’une cité romaine sous le nom de Glanate, elle devient un évêché dont le premier évêque connu est Claudius en 541 sous le nom de civitas Glannatina. Cette cité et l’évêché étaient situés en aval du village actuel, sur la rive droite du Var selon les historiens et archéologues (1). C’est vers la fin du XIVe siècle que la cité antique fut abandonnée et l’habitat transféré au village actuel.
La cathédrale de la Seds et l’église Saint-Michel de la Seds
Mais un problème se pose que personne n’a soulevé jusqu’à maintenant. Il existe deux sites éloignés l’un de l’autre de près de 1500 mètres. Sur les cartes modernes, il existe le lieu-dit le Parc où subsiste l’abside de la cathédrale romane et un autre site dit Glandèves avec une croix. La carte de Cassini n° 168 est encore plus précise et riche d’enseignements : le lieu-dit le Parc est appelé l’Evêché avec une église, l’autre site est dit Glandeve avec une église en ruine. Le cadastre de 1816 fournit les mêmes indications que Cassini (Section C 1, parcelle 292 et C 2 parcelle 424). Il y a donc deux lieux de culte. Si le premier correspond à Notre-Dame de la Seds, il faudrait peut-être placer à Glandeve l’ecclesia Sancti Michaelis de Sede citée par les Pouillés en 1351 et 1376 (p. 261 et 264). La position de ce Glandèves est en retrait du cours du Var et est même protégé des crues par une colline allongée d’une soixantaine de mètres de hauteur. Entre celle-ci et le départ de la pente de la montagne au sud il existe une sorte de couloir protégé des deux côtés où passait le chemin d’Entrevaux au Puget comme l’appelle le cadastre napoléonien. C’est là qu’était situé Glandèves, à l’abri. La France Pontificale relate que l’on trouve peu de vestiges d’habitation, excepté les débris de l’ancienne église, nommée Notre-Dame de la Sedz, à côté desquels on bâtit, au XVIIe siècle, le palais de l’évêque, car les évêques avaient d’abord habité dans un prieuré de Bénédictins situé à Glandèves, puis à Beuil dans le comté de Nice, ensuite à Annot, et enfin à la Sedz même (II, p. 296). L’abbé Féraud donne les mêmes indications dans ses Souvenirs Religieux (p. 273-276). Or, le cartulaire de Saint-Victor fait état en 1337 de deux prieurés, du Saint-Sépulcre et de Saint-Michel de Minet, érigés in cathedrali ecclesia Gladatensi (II, n° 1131, p. 620). Quant à Abbayes et Prieurés, il cite un prieuré Saint-Michel, uni au chapitre cathédral (p. 173).
Plusieurs indices concordent pour placer à l’origine le siège de l’évêché à Glandèves alors que la cathédrale se trouvait au lieu-dit le Parc. C’est là, dans ce dernier lieu, que s’élevaient l’agglomération gallo-romaine ainsi que l’église primitive comme l’a démontré Guy Barruol. On sait par ailleurs que le palais épiscopal fut construit par l’évêque Jean-Dominique Ithier (1654-1672) qui fit bâtir à la Sedz une maison de campagne, ornée d’une magnifique galerie et environnée d’un superbe parc (France Pontificale II, p. 336).
167. Notre-Dame de la Seds
Il ne subsiste de l’ancienne cathédrale de Glandèves que le dernier vestige de la cathédrale romane : les parties basses de l’abside et de la travée de choeur, d’un très beau moyen appareil, à soubassement biseauté, à colonnettes engagées sur dosseret. L’église devait être vaste et belle (Collier, p. 101). Alpes Romanes conclut après une brève description : la cathédrale de Glandèves est un jalon méconnu mais important de l’architecture romane dans le Sud-Est (p.52). Ces vestiges sont situés près de l’Hôpital au lieu-dit le Parc.
168. Saint-Jean-du-Désert
C’est le lieu d’un des pèlerinages le plus important du département. C’est peut-être également l’un des plus anciens. Ecoutons H. Bouche qui en parle par deux fois :
En ce Diocèse il y a une dévotion fort célèbre, où afflue une tres-grande quantité de peuple de toutes parts, à une Chapelle aux champs sous le titre de S. Jean des Prés, à une lieuë de l’Eglise Cathédrale. Au jour de la veille de Saint Jean Baptiste les Prêtres de cette Eglise y viennent en procession portant la chasse de S. Jean, où il y a une de ses dents : et après avoir chanté les Vespres en cette Chapelle, qui est sur une éminence, ils descendent en bas à un prez, pour y bénir une petite source d’eau, qui, en vertu de cette bénédiction, guérit de beaucoup d’infirmités, et sur tout des écroüelles. Le petit peuple fait de grands contes des merveilles de cette fontaine ; mais outre la bénédiction de l’Eglise, qui imprime à cette eau une vertu surnaturelle, il ne s’y rencontre rien qui ne soit naturel. Je m’y suis porté expressement le iour de la veille de cette Feste, l’an 1655 pour voir et considérer tout ce qui s’y fait. Mais ie n’y ay rien veu d’extraordinaire, et qui ne soit chose naturelle (I, p. 280).
Dans son chapitre consacré aux fontaines, il ajoute : une autre (fontaine) au terroir de Glandeves ou d’Entrevaux, vulgairement dite S. Jean des Prez, laquelle après la bénédiction de l’Eglise, faite sur ses eaux au iour de la veille de S. Jean Baptiste, coule durant tout l’Octave de la feste du même saint, et guérit de beaucoup de sorte d’infirmités, et particulièrement des fievres, des écrouelles et de la gale. De cette fontaine font encore mention le sus-allégué Gervais, qui écrivait vers l’an 1200, et Pierre Marin Evêque de Glandèves, environ l’an 1448, en son livre manuscrit de ses Prédications, conservé dans le Couvent des Augustins de la ville d’Aix.
Il établit cependant quelques réserves en concluant : mais il est à remarquer que, sur ce que le vulgaire croit qu’il soit chose miraculeuse, au sujet de ces deux fontaines de Saint Jean et Saint Auban, de ce que n’y ayant, ou n’y apparoissant quelque fois point d’eau, avant la bénédiction de l’Eglise, et qu’après cette bénédiction on y en découvre, j’estime que ce soit chose naturelle, et qu’il ne faut pas referer cela à un miracle particulier. Car comme après la bénédiction de l’Eglise, ceux qui y sont présents n’y voyant point d’eau, qui est un peu profonde, prennent de la terre ou de la bouë, qui cachent cette eau, pour les emporter à leurs maisons pour s’en servir au besoin de leurs infirmités, l’eau qui estoit cachée dessous, commence à paroître naturellement, puisqu’elle y estoit avant cette bénédiction, et ainsi opinèrent avec moi (qui me treuvay un iour présent à cette action) quelques personnages pieux et doctes, qui y estoient présents, et qui en firent le iugement (I, p. 36).
Bouche cite deux auteurs qui, avant lui, parlent de cette eau miraculeuse, un certain Gervais en 1200 et Pierre Marin, évêque de Glandèves de 1447 à 1458. Sur le premier le mystère demeure. Pour l’autre, un des sermons de l’évêque est retrancrit en partie par Fauris de Saint-Vincens, dans un manuscrit conservé à la bibliothèque Méjanes. En voici la reproduction fournie par le PR (2) : une fontaine située au désert du diocèse de Glandèves, près de la ville d’Entrevaux, que l’on apelle la fontaine de Saint-Jean. Il dit que la veille de Saint-Jean, cette fontaine, après avoir été bénie par les prêtres, commence à couler, et donne de l’eau pendant les huit jours de l’octave. Il ajoute qu’on attribue à cette eau des effets miraculeux pour la guérison de plusieurs maladies. Il évoque les miracles qui attirent chaque année une grande foule de pèlerins, lesquels affluent non seulement des environs, mais aussi du Piémont et de la Ligurie, jusqu’au nombre de trois ou quatre mille pour passer la nuit dans ce pré et assister au jaillissement de l’eau miraculeuse.
La chapelle, selon R. Collier, ayant conservé par miracle beaucoup de son antique saveur, révèle une structure plus complexe, témoignant aussi, peut-être, de survivances romanes ; dans son état actuel, elle doit dater en gros du XVIIe siècle. Tout en longueur, on la dirait faite de deux chapelles juxtaposées et terminées par un chœur à chevet plat, voûté d’arêtes ; la première serait formée d’une longue travée avec un berceau brisé, la seconde de deux travées voûtées de même et séparées par un doubleau finissant sur pilastres. Peut-être y avait-il au centre une chapelle romane qu’on aurait prolongée dans les deux sens (p. 219). La chapelle semble succéder à un site antique où, selon les observations faites par Pierre Bodard, aurait existé une fabrique de tegulae (3).
Certains auteurs font remonter son origine au Ve siècle et d’autres au XIe siècle. C’est ce qu’affirme l’enquête sur les lieux de culte de 1899 : chapelle S. Jean Baptiste du désert date du 5e siècle ; elle fut par ordonnance du 27 septembre 1735 érigée en chapelle annexe de l’église paroissiale (2 V 73, n° 118). Et de poursuivre sur les autres chapelles rurales : outre la chapelle du Parc, aujourd’hui fermée, il y a la chapelle à l’hospice et huit chapelles rurales ouvertes en tout temps et de date très ancienne.
Les chapelles rurales
Ce sont des lieux de culte établis dans des hameaux pour les desservir ainsi que les fermes voisines. Pour les retrouver nous allons comparer la carte de Cassini avec la carte IGN moderne.
. Baye avec une chapelle pour Cassini ; chapelle Saint-Claude au hameau du Bay sur IGN
. Le Plan avec chapelle pour Cassini ; chapelle Sainte-Marguerite au Plan sur IGN
. Valbonnette, chapelle sur Cassini ; quartier de Valbonnette sur IGN sans chapelle
. St Jean, chapelle sur Cassini, à l’ouest d’Entrevaux ; rien sur IGN pas même le toponyme
. St Joseph, chapelle sur Cassini, au nord de la précédente ; rien sur IGN pas même le toponyme
. Agnerq Haut, chapelle sur Cassini ; chapelle Saint-Joseph au Haut-Agner sur IGN et Saint-Louis au Bas Agnerq
. St Pierre au Brec sur Cassini ; la même chose sur IGN
. Soumare avec une chapelle sur Cassini ; Bas et Haut Sumaure sur IGN sans édifice
. Lau, avec une chapelle sur Cassini ; les Lacs avec une chapelle sur IGN
. Le Clot avec une chapelle sur Cassini ; le Claux sans chapelle sur IGN
. Glandeve Bastide avec une chapelle sur Cassini ; sans doute Villepasson sur IGN sans chapelle, où les évêques possédaient une maison de campagne.
Synthèse
Entrevaux est riche en monuments religieux. Le premier est certainement la cathédrale primitive que l’on peut dater du VIe siècle, moment où est cité le premier évêque connu du diocèse. On pense la situer à l’emplacement ou tout à côté de la cathédrale élevée au XIIe siècle, sous le titre de Notre-Dame de la Sedz. La résidence des évêques à Glandèves a permis la construction d’une église dédiée à saint Michel qui était en même temps le siège d’un prieuré de Saint-Victor. Elle apparaît au XIVe siècle. C’est ensuite la construction de la cathédrale édifiée dans le village d’Entrevaux, ouvrage commencé en 1610 (Collier, p. 184). Il reste toutes les chapelles dont celle de Saint-Jean qui est déjà sûrement citée au milieu du XVe siècle. Pour les autres, Cassini, à la fin du XVIIIe siècle, en fournit une belle nomenclature.
(1) Sur cette cité et l’évêché, voir Carte Archéologique, p. 176-179. G. BARRUOL, « Deux citées de la Province des Alpes-Maritimes, Glandève et Briançonnet », Hommage à Fernand Benoît, Institut international d’études ligures, Bordighera, 1972, T. III, p. 231-243.
(2) Jean Dieudé et Marie-Madeleine Viré, « Sanctuaires, pèlerinages et romérages au diocèse de Digne », A.P.R.H.P., 2009, p. 86.
(3) BODARD Pierre, « Le Haut pays niçois sous l’Empire romain et le Haut Moyen Age », Mém. IPAAM, T XXI, 1979, p. 35.