Nous ne présenterons dans cette étude que les chapelles rurales des anciennes communes rattachées à Digne depuis le XIXe siècle. Il s’agit de Courbons, des Siéyès et de Gaubert, rattachées en 1862 et des Dourbes en 1974.


COURBONS

Cette ancienne commune est située à l’ouest de celle de Digne dans un milieu de collines à l’altitude moyenne de 900 mètres. Son maximum de population fut atteint en 1315 et en 1851 avec 500 habitants. Corbo apparaît au XIIIe siècle, in castro de Corbo (Enquêtes de 1252, n° 496, p. 346), mais une église est citée bien avant, celle de Sainte-Eugénie. Elle est confirmée comme possession du chapitre de Digne en 1180 par le pape Alexandre III (Isnard, p. 186). Un chapelain dessert l’église paroissiale, cité en 1351 et 1376, cappellanus de Corbonis (Pouillés, p. 256 et 259). Par la suite, le prieuré passe dans les mains de l’évêque de Digne, mais on ne sait pas à quelle date (Isnard, p. 141). En 1476, l’évêque de Digne, Conrad de la Croix, rend le prieuré au chapitre en échange des droits sur Marcoux. Trois ans plus tard, l’échange est confirmé par le pape Sixte IV. La France pontificale (I, p. 89) résume l’histoire du prieuré ainsi : l’église de Courbons fut ensuite dédiée à sainte Claire qui est restée jusqu’à nos jours la patronne de cette localité. Aujourd’hui, l’église est dédiée à Notre-Dame-des-Anges. Il ne restait plus, au commencement du siècle dernier, qu’un champ, tout près du village, qui portait le nom de Sainte-Eugénie. De l’église de Sainte-Claire, située dans l’intérieur du village, on ne voit plus que la tour du clocher.  Lors de la visite de l’évêque de Digne en 1683, celui-ci confirme l’existence du prieuré sous le titre de Ste Eugénie à qui il appartient une bastide, lequel prioré est uni à la mense capitulaire. Et il confirme la titulature de l’église à sainte Claire (ADAHP 1G 5, f° 49 r°-52 r°) . L’abbé Féraud confirme ensuite la titulature de l’église à Notre-Dame des Anges et il ajoute que par un usage constamment pratiqué jusqu’en 1792, le chapitre de Digne venait faire les offices le jour de Sainte-Claire (p. 57).

Des données ci-dessus, on peut tenter de reconstituer l’histoire des monuments religieux de la paroisse. A l’origine, il existe deux prieurés, celui de Saint-Pierre que nous présenterons par la suite et celui de Sainte-Eugénie. Pour ce dernier, nous connaissons sa première citation et son appartenance. Il dépend du chapitre de Digne jusqu’à la Révolution. Il devait être situé au pied du village, à l’ouest, là où la carte de Cassini place une église sous le titre de Notre-Dame des Anges. Il était accompagné d’une bastide et de terres comme relaté en 1683. Lors de la création du village groupé et perché sur la colline, est bâtie une église paroissiale sous le titre de sainte Claire. Seul le clocher de cette église subsiste converti en tour de l’horloge. La destruction de l’église, sans doute au cours du XIVe siècle, a obligé les habitants à en construire une autre, cette fois-ci au pied de la colline, à l’est. R. Collier la date du XVIe siècle (p. 56-57). C’est elle que visite l’évêque en 1683, elle est sous le titre de sainte Claire et est accompagnée du cimetière. Le prieuré de Sainte-Eugénie existe encore à cette date, de même à la fin du XVIIIe siècle, sur la carte de Cassini, mais il a pris le titre de Notre-Dame des Anges. C’est sans doute après la Révolution, les biens du prieuré ayant été séquestrés et vendus, que l’édifice tombe en ruine et disparaît complètement, laissant seulement son nom à un champ. Et c’est probablement à cette même époque que l’église paroissiale adopte comme titulaire celui de l’ancien prieuré, Notre-Dame des Anges.

145. La chapelle Saint-Pierre

Elle est située 600 mètres au sud du village, isolée et en plein champ. Elle est citée une seule fois, en 1899 : chapelle de S. Pierre ; de temps immémorial la paroisse se rend en procession le 1er jour des Rogations et le jour de S. Pierre. Le curé y dit la messe chaque fois, il chante le Libera sur la porte de la chapelle et termine par la bénédiction des fruits de la terre. Pas d’autorisation écrite. Elle figure sur la carte de Cassini sous l’appellation de St Pierre de la Roque. Le fait que le curé chante le libera sur le pas de la porte de la chapelle laisse envisager un ancien cimetière autour de l’édifice. La titulature à saint Pierre, l’implantation en plein champ, en milieu ouvert et isolé, la présence d’un cimetière et la procession, font soupçonner une de ces églises pré castrales, rarement citées par des textes, mais cependant détectables par ces particularités remarquables.


LES SIEYES

Cette ancienne commune forme aujourd’hui un faubourg de Digne sur la rive droite de la Bléone. Deux édifices religieux vont coexister, sans savoir lequel est véritablement la paroisse, Saint-Véran et Sainte-Madeleine. Il est probable que ce sont les églises des Sièyes qui sont confirmées par le pape Alexandre en 1180 comme appartenant au chapitre de Digne (Isnard, p. 136).

146. Le prieuré de Saint-Véran

Après 1180, Saint-Véran réapparaît en 1351 avec la prebenda de Sancto Verano et le cappellanus de Sancto Verano (Pouillés, p. 255). Cette prébende consiste en la dîme du vin de l’église de Saint-Véran et à trois parts de la dîme du vin nouveau de Saint-Véran, ainsi que de celle des blés et des agneaux (Isnard, p. 300). Ce prieuré est situé au sud de la commune, près de la Bléone, en milieu ouvert, non défensif. Car l’autre édifice est situé aux Hautes Sièyès, en milieu défensif et correspond au castrum élevé lors de l’enchâtellement. Celui-ci est cité en 1252, castrum de Sciejas (Enquêtes, n° 495, p. 346). Une église dédiée à sainte Madeleine y est construite qui devient la paroissiale, desservie par un chapelain cité en 1376, capellanus de Zessis (Pouillés, p. 258). C’est encore le cas en 1683 quand l’évêque de Digne fait sa visite pastorale, église sous le titre de sainte Madeleine. Et de citer Saint-Véran, également comme église : il y a une église où estoit anciennement la paroisse sous le titre de St Véran où le chapitre ou le Cabiscol envoyent tous les dimanches et festes un prestre pour dire la Ste messe, laquelle église est entretenue par la communauté autour de laquelle est le cimetière (1 G 5) Bien que n’étant plus considéré comme paroissiale, Saint-Véran a gardé son statut d’église. Il va le retrouver au XIXe siècle. C’est ce que confirme l’abbé Féraud, l’église paroissiale est sous le titre de saint Véran. Le chapitre de Digne en était jadis le prieur-décimateur et on trouve au Nord, l’ancienne église paroissiale de Sainte-Magdelaine, dont la voûte est de forme ogivale. Cette dernière va devenir une simple chapelle comme stipulé en 1862 mais gardant encore son titre d’église, chapelle rurale : église Ste-Madeleine autrefois paroissiale, bien propre et bien conservée aux Hauts Sièyes. Les deux églises sont encore en état.

147. La chapelle Saint-Roch au hameau de l’Hôtellerie et la chapelle du hameau de la Tour

Seul subsiste aujourd’hui un nom de quartier dit St Roch rappelant une chapelle citée en 1683 par l’évêque de Digne, qu’il y a à l’hameau appelé de l’hostelerie une petite chapelle sous le titre de St Roch laquelle a esté bastie et entretenue par les habitants dudit ameau. Elle est signalée par la carte de Cassini et en 1862, il est rapporté que la chapelle St-Roch a été reconstruite en 1860 et affectée au service journalier (2 V 87). Lors de la même visite, l’évêque cite une autre chapelle : une autre chapelle à l’ameau de la Tour qui a esté bastie et est aussi entretenue par les habitants dudit la Tour. Le hameau et la chapelle apparaissent sur Cassini (actuellement à l’emplacement de l’Hôpital psychiatrique).


GAUBERT

Cette ancienne commune est située sur la rive gauche de la Bléone entre la commune de Digne au nord et celle du Chaffaut-Saint-Jurson au sud. L’église de Gaubert est citée en 1180 lors de la confirmation par le pape Alexandre III des biens et églises dépendant du chapitre cathédral de Digne (Isnard, p. 136). Elle est sous le titre de Notre-Dame ou de Sainte-Marie. Cette dépendance est confirmée en 1351 avec la prebenda de Galberto qui se monte à 30 livres et un cappellanus de Galberto dont le revenu est de 10 livres. On retrouve le cappellanus de Galberto  en 1376 (Pouillés, p. 255-256 et 258). En 1683, l’évêque confirme l’appartenance au chapitre, l’économe du chapitre est prébandé aud lieu et l’église est toujours sous le titre de Notre-Dame (1 G 5). C’est au XIXe siècle avec l’abbé Féraud qu’elle est sous  la titulature de saint Etienne tout en gardant celle de Notre-Dame. Outre trois chapelles rurales signalées au XIXe siècle, il faut évoquer deux prieurés cités par d’autres sources.

148. Le prieuré de Saint-Jaume

Il est cité par l’évêque de Digne lors de sa visite de 1683 : il y a le prioré de St Jaume possédé par Mre Blaise Cod.., seigneur temporel et spirituel de St Jurson et le revenu dudit prioré consiste à la pansion de la somme de quatre ou cinq cents livres en principal que damoiselle Lucresse Chaud de Digne fonda et la communauté  de Clumanc en est chargée. Aucun indice ne vient confirmer ce prieuré de Saint-Jaume (ou Jacques) sur la commune. Le fait qu’il soit rattaché à Clumanc pourrait le faire assimiler à celui Saint-Georges de Sergan sur l’ancienne commune de Saint-Jurson, dépendant de l’abbaye de Lérins (voir la notice sur Saint-Jurson).

149. Le prieuré de Saint-Pierre

Il est cité lors de la même visite : il y a encore un prioré sous le titre St Pierre dont il ne paroit point de fonds ni de fondation et par conséquant de possesseur. Ce prieuré devait se trouver au hameau dit aujourd’hui St-Pierre de Gaubert où figure seulement un oratoire. Cassini indique le hameau sans édifice religieux.

150. Le prieuré du domaine Saint-Martin

Il est mentionné par la CAG (n° 070, p. 169) : la ferme du Grand Saint-Martin occupe le terroir au nord et au pied du village de Gaubert, dans la vallée de la Bléone. C’est un ancien prieuré dépendant du chapitre de la cathédrale de Digne. Une partie des bâtiments intègre les vestiges de la chapelle. Une nécropole de l’Antiquité tardive avec des sépultures sous tuiles en bâtière a été repérée. Il est probable que nous sommes en présence du prieuré cité en 1180, car le chapitre ne possède qu’un seul prieuré sur le territoire de Gaubert. Mais il est difficile d’expliquer pourquoi il n’est pas sous la titulature de saint Martin. En tout cas nous sommes en présence d’un établissement pré castral, sur un site antique, en milieu ouvert, qui a pu être vitalisé au haut Moyen Age. Il n’est pas signalé par Cassini.

Viennent enfin trois chapelles mentionnées lors des visites pastorales du XIXe siècle, en 1859, 1866 et 1872 (2 V 87 et 89). Nous ne pouvons que les citer sans ajouter un commentaire par manque de documentation.

151. Chapelle Saint-Sébastien

Elle est signalée en 1859 comme étant près du chef-lieu. Elle n’apparaît pas sur Cassini mais figure sur les cartes actuelles, à l’est du village.

152. Chapelle Saint-Jean-Baptiste aux Hôtelleries

Elle est citée à la même date que la précédente et n’apparaît pas sur Cassini ni sur les cartes actuelles.

153. Chapelle Saint-Barthélemy à la Braisse

Elle est signalée lors de la visite de 1683 : il y a une fondation à la chapelle de la braisse d’une messe tous les samedis de l’année dont le fonds est de trois cent livres. Elle ne réapparaît ensuite qu’au XIXe siècle, mais ne figure pas sur les cartes actuelles.


LES DOURBES

L’ancienne commune s’étend à l’est de la ville de Digne et au nord de la commune d’Entrages. Elle fut durement touchée par les guerres et la peste du XIVe siècle puisque de 240 habitants en 1315, elle n’en comptait plus que 60 en 1471, soit une perte de 75%. Le terroir est dans un milieu montagneux à l’altitude moyenne de 1000 mètres. La première mention est fournie en 1035 lors de donations faites au prieuré Saint-Michel de Courson avec comme témoin signataire de l’acte un certain Hisnardus de Dorbas (CSV II, n° 747, p. 95). A la fin du XIIe siècle, en 1180, les biens appartenant au chapitre de Digne sont confirmés par le pape Alexandre III, dont tout ce que vous avez sur le château des Dourbes, tant en dîmes qu’autrement. Cette appartenance est confirmée en 1351 avec la prebenda de Durbis qui rapporte 25 livres au chapitre, tandis que le cappellanus de Durbis perçoit 15 livres. Ce dernier est encore signalé en 1376 (Pouillés, p. 255, 257 et 259). L’église paroissiale est sous le titre de saint Geniez avec comme patron saint Louis, roi de France (Féraud, p. 49). Elle relève, selon R. Collier, de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe, principalement l’abside en cul-de-four (Collier,  p. 138). Une seule chapelle rurale est mentionnée sur le territoire.

154.  Chapelle Saint-Jean au Villard

Elle semble avoir été bâtie courant XVIIe siècle car, en 1683, l’évêque de Digne relate que les habitants du Vilar nous ont dit avoit fait bastir une chapelle pour la commodité des habitans dudit ameau, laquelle est entretenue à leurs frais et dépans l’ayant meublée (1 G 5). Elle est signalée le 15 avril 1870 comme chapelle rurale dédiée à saint Jean-Baptiste. Lors de l’enquête sur les lieux de culte de 1899, elle date de 200 ans, située dans la section du Vilar. On y célèbre la messe deux ou trois fois par an et on administre les baptêmes et les mariages pour les habitants de la section. Il est possible que  cette chapelle ait été édifiée sur un édifice plus ancien, le vocable Vilar  évoquant un habitat abandonné, sans doute au XIVe siècle lors de la peste, mais vitalisé par une église sous le vocable de saint Jean. Lors du repeuplement, celle-ci aurait été rebâtie reprenant le même titulaire, saint très honoré au Moyen Age.

Synthèse

Parmi les édifices que l’on peut soupçonner d’être antérieurs au castrum, il faut mentionner Saint-Pierre à Courbons. Pour les autres les indices sont trop minces pour avancer avec certitude.

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commentaire de REYMOND 25-03-2012 19:17
Bonjour,

La mauvaise qualité du bâti de l’église Saint-Pierre de la Roque à Courbons (blocage à la chaux, absence de piédroit appareillé ou d’arc clavé) semble devoir rejeter une origine trop ancienne, que son implantation pourtant laisse supposer. L'édifice orienté, de plan carré, voûté en berceau, peut faire penser à une architecture Classique (XVIe s.).
A l’extérieur, le bénitier est une pierre antique en remploi (trou-encoche d’agrafe et/ou de pince à crochet, large anathyrose en bordure de la face de joint).

ALR_



  • À propos de l'auteur : Daniel Thiery